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The Shift Project : Le rapport sur l’impact environnemental du numérique

The Shift Project, think tank dédié aux solutions de transitions écologiques en Europe, réfléchit, depuis plusieurs années, à des moyens pour réduire l'impact du numérique sur l'environnement. Dans son dernier rapport sorti le 4 Octobre 2018, ses chercheurs décrivent un numérique de plus en plus vorace avec 9% d'accroissement de la consommation énergétique par an alors qu'il émet aujourd'hui 4% des gaz à effet de serre du monde. Ils préconisent une transition numérique compatible avec les impératifs climatiques et les contraintes sur les ressources naturelles et énergétiques.

Le groupe

Hugues Ferreboeuf, éminent polytechnicien et ancien directeur général de filiales chez Orange, rejoint The Shift Project en 2017 pour monter un groupe de travail visant à réfléchir sur les possibilités d'une synergie entre transition numérique et transition énergétique. Le groupe rassemble des universitaires, des professionnels et des experts du secteur comme Françoise Berthoud (CNRS, GDS EcoInfo), Alexandre Monnin (INRIA), Pierre Fabre (AFD), Daniel Kaplan (FING).

Leur dernier rapport est un état des lieux de l'effet du numérique sur l'écologie et les solution pour réduire son impact négatif et maximiser son impact positif sur l'environnement.

Contexte

80% de l'énergie mondiale consommée est d'origine fossile et responsable de l'essentiel des émissions de gaz à effet de serre. Le numérique est vu comme indispensable pour le développement des pays et des entreprises. Il inonde tous les aspects de la vie sociale. Dans un grand nombre de secteurs, la transition numérique est considérée comme un moyen de réduire la consommation énergétique ("IT for Green"). On considère même que le numérique sera indispensable pour maitriser le changement climatique.

Pourtant, l'impact environnemental du numérique est souvent sous-estimé bien qu'on investisse en masse et rapidement dans ce domaine. Les usages croissants du numériques ont un impact important sur l'environnement.

"Les effets systémiques mondiaux de la transition numérique actuelle restent pour l’instant fortement incertains, alors qu’ils sont souvent considérés comme positifs a priori. Mais les grandes tendances mondiales tous secteurs confondus dressent un tableau alarmant."

Constats

Le rapport de The Shift Project nous énonce que la transition numérique, étant vue au départ comme une solution, peut avoir un impact conséquent sur l'environnement. Elle peut et doit être évité par la mise en oeuvre de ce que les chercheurs du think tank appellent "sobriété numérique".

Une tendance à la surconsommation numérique

Les chercheurs observent que le fort accroissement de l'adhésion au numérique dans le monde n'est pas soutenable à terme au regard de l'approvisionnement qu'elle requiert en ressources et énergie.

L'empreinte carbone du numérique est en augmentation de 9% par an. Elle inclut l'énergie de fabrication et l'utilisation des équipements, infrastructures et terminaux liés au numérique.

La part du numérique dans l'émission de gaz à effet de serres à augmenté de moitié depuis 2013. Elle est en effet passé de 2,5 à 3,7% du total des émissions mondiales.

La demande en métaux rare est aussi croissante alors qu'on estime que certains seront à l'épuisement d'ici quelques décennies. Ces métaux sont pourtant aussi utilisés dans des technologies énergétiques bas carbone comme les éoliennes.

Architecture d’un smartphone, petit extrait des métaux [Source : (Orange Labs, 2017)]

Le rapport énonce que la principale cause de l'inflation dernièrement est en partie du à l'explosion de la vidéo (visio, streaming, etc.) :

"L'impact énergétique du visionnage de la vidéo est environ 1500 fois plus grand que la simple consommation électrique du smartphone lui-même" "..." "Passer 10 minutes à visionner en streaming une vidéo haute définition sur un smartphone revient à utiliser à pleine puissance pendant 5 minutes un four électrique de 2000W"

L'autre cause est le renouvellement fréquent des périphériques numériques (2 ans environ).

"La production d’un smartphone engendre des émissions 400 fois plus lourdes que son usage"

De plus, les nouveaux périphériques embarquant des technologies plus pointues, plus gourmandes, augmentent à chaque nouvelle génération leurs empreintes carbone.

Empreinte carbone des produits Apple à mesure que les spécifications augmentent [Source : (Benton, Hazell, & Coats, 2015)]

Les chercheurs ont également observé une augmentation de 4% sur l'intensité énergétique du numérique.

La consommation numérique actuelle est très polarisée

Des contrastes extraordinaires sont observés sur l'accès et l'utilisation du numérique dans le monde.

Le rapport montre qu'en moyenne, un Américain possède près de 10 périphériques connectés, et consomme 140 Gigaoctets de données par mois. Un Indien possède un seul périphérique et consomme 2 Gigaoctets.

« Dans les pays en développement, les ménages qui possèdent un téléphone mobile sont plus nombreux que ceux qui ont accès à l’électricité ou à de l’eau salubre, et près de 70% des personnes appartenant au quintile inférieur de la population sont propriétaires d’un portable. » (Banque mondiale, 2016)
« …près de 60 % de la population mondiale n’a toujours pas accès au web et ne dispose d’aucun moyen pratique de participer à l’économie numérique. » (Banque mondiale, 2016)

De nombreuses personnes on accès à internet avec une connexion très bas débit et se heurtent à un internet qui est fait pour de la 3G minimum voir de la 4G aujourd’hui.

Des solutions

The Shift Poject annonce qu'un développement numérique en accord avec la transition énergétique pour le changement climatique est possible. Les chercheurs du think tank appellent ça : « La sobriété numérique ».

Passer de l’intempérance à la sobriété dans notre relation au numérique permet de ramener l’aug- mentation de consommation d’énergie du numérique à 1,5 %

Les propositions émises dans le rapport ne cherchent pas à faire un numérique entièrement écologique ni de le supprimer de notre quotidien. Le but est surtout de réduire l'augmentation effrénée du coût énergétique qu'il provoque. Sa réduction demandera des efforts supplémentaires.

Une transition numérique sobre consiste essentiellement à acheter les équipements les moins puissants possibles, à les changer le moins souvent possible, et à réduire les usages énergivores superflus

Le scénario proposé dans ce rapport essaie d'être le plus juste et réaliste pour les gouvernements et les entreprises. Il étend le principe poursuivi par les objectifs comme « Green IT ».

La sobriété numérique comme principe d'action

Le rapport pousse à questionner l'usage quotidien de périphériques numérique en rapport avec l'utilité véritable qu'il peut apporter. Cela va de questionner nos comportements d'achats à utiliser des d'objets et de services numériques. C'est aussi limiter au maximum le renouvellement des terminaux, segmenter l'usage vidéo.

Pour l'achat, c'est prendre en compte le coup de la puissance de l'appareil, sa durabilité.

C'est cependant très difficile aujourd'hui de prendre du recul sur notre utilisation de terminaux numériques tellement ils sont liés à nous et parfaitement intégré dans notre quotidien.

" « il y a aujourd’hui, entre l’objet et son porteur, une intimité de type organique, un rapport de continuité dans lequel l’objet se montre plus directement efficace à assurer une jouissance directe que n’importe quel partenaire humain » (Gaillard, 2018). "

Le numérique est pourtant un vecteur exceptionnel pour le partage d'information, de savoir et le progrès humain.

« La diffusion des technologies de l'information et des communications et l'interconnexion mondiale ont un grand potentiel pour accélérer le progrès humain, pour combler le fossé numérique et développer les sociétés du savoir » (United Nations, 2015).

Informer et faire prendre conscience

Le rapport indique qu'un facteur essentiel est de communiquer et informer pour accélérer la prise de conscience au sein des entreprises, organismes et du grand public.

Un critère de décision

Un autre biais important est de prendre en compte l'impact écologique à l'étape de prise de décision dans les politiques d'achats, d'utilisation d'équipement numérique et de contenu numérique au sein du projet.

Pouvoir piloter sa transition numérique

Le groupe de chercheurs proposent des outils et des références permettant de prendre en compte de l'impact environnemental à chaque étape de décisions d'un projet.

Par exemple le "REN" (Référentiel Environnemental du Numérique) proposé par le Shift donne, de manière accessible, des ordres de grandeur vérifiés sur l’énergie et les matières premières mobilisées par la production et l’utilisation de technologies numériques courantes.

Au vu de l'analyse et des proposition que fait le shift, on a tous un rôle à jouer. On doit trouver une capacité à la fois individuelle et collectives pour s'intéroger sur notre de mode de consommation, nos comportements d'achat. La sobriété numérique doit petre adoptée comme un principe d'action. Pour le moment, les seuls juges sont à la fois l'offres des géants d'Internet (les GAFAM) et les attentes du PIB par rapport à la transition numérique.